Discussion:
Les héroïnes romaines
(trop ancien pour répondre)
Caligula
2004-02-29 17:20:33 UTC
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Bonjour,

Les héroïnes romaines de la fable sont Rhéa Sylvia mère de Romulus et
Rémus, Lucrèce violée par un Tarquin sa mort volontaire conduisit son
père et son mari à renverser la monarchie, Virginie plébéienne
convoitée par le decemvir Appius Claudius, tuée par son propre père
pour qu'elle ne devînt la proie d'Appius, et fut cause du renversement
des decemvirs et de l'établissement d'une constitution plus
démocratique. Il y a aussi la mère de Coriolan (Véturie ou Volumnie)
qui parvint à empêcher son fils d'attaquer Rome à la tête des
Volsques.
Clélie, bien sûr, qui eut une statue équestre ! sur la voie sacrée à
Rome parce qu'elle fut envoyée comme otage au roi Etrusque Personna,
mais réussit à s'échapper et regagna Rome en traversant le Tibre. Les
Romains, hommes de parole, durent renvoyer Clélie comme otage mais le
roi Porsenna impressionné par cette bravoure la libéra elle et
d'autres otages.
Tarpéia est une héroïne dont le souvenir est resté marqué par la Roche
tarpéienne sur le capitole mais les Romains étaient partagés sur elle
entre deux traditions pour les uns cette jeune fille était une
traitresse qui permit aux Sabins de prendre le Capitole car elle avait
ouvert une porte en échange de ce que les soldats sabins portaient au
bras gauche, elle pensait à leur bracelet d'or et eux la couvrirent de
leurs boucliers jusqu'à la faire étouffer, pour les autres au
contraire elle sortit de nuit et tenta de ramener des boucliers pour
aider les assiégés.

Mais la femme, la matrone romaine qui exista réellement et qui fut
considérée comme la plus représentative des Romaines héroïques et sans
conteste Cornelia la mère des Gracques. Fille de Scipion l'Africain
vainqueur d'Hannibal à Zama, elle épousa par amour ( ce qui était
rare) le presqu'inconnu Tiberius Sempronius Gracchus avec qui elle eut
12 enfants dont les 2 célèbres tribuns, Tibérius et Caius fondateurs
du parti des populares. Ce parti après des luttes civiles très
mortelles finira par l'emporter dans la personne de Jules César.
--
Caligula

Et fora conveniunt ( quis credere possit ?) amori.
[Ovide]
rousseau
2004-03-01 10:17:31 UTC
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Post by Caligula
Mais la femme, la matrone romaine qui exista réellement et qui fut
considérée comme la plus représentative des Romaines héroïques et sans
conteste Cornelia la mère des Gracques. Fille de Scipion l'Africain
vainqueur d'Hannibal à Zama, elle épousa par amour ( ce qui était
rare) le presqu'inconnu Tiberius Sempronius Gracchus avec qui elle eut
12 enfants dont les 2 célèbres tribuns, Tibérius et Caius fondateurs
du parti des populares. Ce parti après des luttes civiles très
mortelles finira par l'emporter dans la personne de Jules César.
Bravo pour ces rappels.

Pline le Jeune nous invite à ajouter Arria dans ta liste.

Dans sa lettre XVI du livre III, Pline raconte que la petite fille
d'Arria, une certaine Fannia, lui a rapporté les hauts faits de sa grand
mère.

Caecina Paetus, personnage consulaire (en Syrie), se trouva engagé dans
la révolte malheureuse de Scribonianus contre l'empereur Claude. Le
complot tourna court, Scribonianus fut exécuté, et Paetus fut embarqué
pour Rome pour y subir le jugement de l'empereur. Arria, femme de
Paetus, n'ayant aucun espoir de sauver son mari, prit un poignard, se
l'enfonça dans le sein, et, le retirant, elIe le lui présenta en disant
simplement : « Paete, non dolet ; Paetus, ce n'est pas douloureux. »
Paetus se donna la mort, à l'exemple de sa femme.

Mais Pline veut montrer que le courage de cette héroïne ne se réduisait
pas à cet événement.

Par exemple, alors qu'elle soignait son mari Paetus et son enfant
gravement malades, son fils mourut. Pour éviter le choc à son époux qui
était lui-même en grand danger, elle lui cacha cette mort, s'occupant en
cachette des funérailles, retenant ses larmes devant Paetus malade, le
rassurant même sur l'état de santé de leur fils.

Alors que la révolte en Syrie venait d'échouer et que Paetus devait être
ramené à Rome, Arria supplia en vain les soldats de l'emmener avec lui
pour continuer à le servir selon le rang qui était le sien. Devant le
refus, elle loua une petite embarcation de pêcheur et suivit le grand
navire.

La femme de Scribonianus, mise en présence de l'empereur, étant sur le
point de dénoncer tous les complices à l'empereur, Arria s'exclama : «
Moi ! t'écouter ! toi qui a vu Scribonianus égorgé dans tes bras, et
qui continue à vivre ! »

Son gendre (le fameux Thraséas) tentant de la dissuader de mourir,
avança ce dernier argument : est-ce que vous permettriez à votre propre
fille de se sacrifier si moi-même je devais me donner la mort ? (Il ne
croyait pas si bien dire : voir la fin des Annales de Tacite) Elle
indiqua que si le lien qui les unissait était le même que celui qui
l'unissait à Paetus elle y consentait volontiers.

Dernier trait : son entourage inquiet resserrant la surveillance autour
d'elle, elle démontra en se jetant violemment la tête contre un mur,
qu'elle trouverait toujours le moyen d'en finir, quel qu'il fut, et
qu'il valait mieux lui procurer une solution moins douloureuse...

Attention : le Paete de la formule est souvent transformé en un étrange
"Poete" (d'où certaines confusions)

En tout cas cette paraphrase de la lettre de Pline me donne l'occasion
de montrer que Martial sait parfois s'élever à des hauteurs
insoupçonnées ; il transfigure cette histoire dans un quatrain du Livre
I de ses épigrammes :

XIII
Casta suo gladium cum traderet Arria Paeto,
quem de uisceribus strinxerat ipsa suis,
'Si qua fides, uulnus quod feci non dolet,' inquit,
'sed tu quod facies, hoc mihi, Paete, dolet.'

Voilà comment je le rendrais :

L'épouse de Pétus lui remettant l'épée
Que dans son propre sang elle-même a trempée :
"Je ne sens rien du tout, crois-moi, mon amoureux,
Seul le coup qui te tue me sera douloureux."

Je reste admiratif de la force du quatrain de Martial (avec ses
répétitions et la symétrie des deux derniers vers).

Rousseau.
Camille
2004-03-01 19:13:54 UTC
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Les héroïnes romaines de la fable sont...
Excellente synthèse, à condition de comprendre "héroïne positive" sous le
terme "héroïne".
Car les héroïnes négatives ou scabreuses, voire monstrueuses, ne manquent
pas non plus dans l'Histoire romaine, surtout à partir de l'Empire :
Agrippine, Messaline, les dames d'Ephèse, etc...
___
Camille
Lucrèce
2004-03-02 22:01:23 UTC
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Post by Camille
Agrippine, Messaline, les dames d'Ephèse, etc...
___
On les aime aussi, mais ce ne sont pas les romaines qui ont changé entre les
temps anciens et l'Empire, ce sont les historiens qui aiment à opposer les
vertus des anciens ou "anciennes" aux vices du temps présent. Un lieu commun
qui n'a pas grand chose à voir avec la réalité historique.

Lucrèce (Pas la suicidaire).
Camille
2004-03-02 22:42:39 UTC
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Post by Lucrèce
Un lieu commun
qui n'a pas grand chose à voir avec la réalité historique.
Je ne suis pas sûre de ça.
Les pouvoirs des femmes étaient nuls sous la sévère République des Catons et
autres Scipions. Aucune femme n'était en position d'exercer ses "talents"
comme une Agrippine ou une Julia Domna.

Je ne dis pas que l'Empire était "féministe", loin de là, mais CERTAINES
femmes de pouvoir ont pu émerger, ce qui n'était pas le cas avant.
La première femme de ce type a sans doute été Livie (Mme Auguste).
Ce n'est pas un hasard.

Et puis, qu'as-tu contre "les historiens" ? :-)
___
Camille
Lucrèce
2004-03-03 08:19:05 UTC
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Post by Camille
Et puis, qu'as-tu contre "les historiens" ? :-)
J'aurais du mal à être contre les historiens, car l'histoire c'est mon pain
et ma sardine. Je ne te contredis pas non plus sur la question d'une plus
grande place des femmes à la fin de la république (Clodia) et sous l'Empire.

Il n'en demeure pas moins que les "héroïnes" des débuts de Rome sont
précisément de purs produits de la propagande de l'Empire.

C'est Tite-Live lui même qui nous dit qu'il écrit " pour la gloire du plus
grand peuple du monde". Il se moque aussi de ceux qui prétendent apporter au
sujet une documentation nouvelle. Rhéa Sylvia aurait vécu huit siècles avant
lui, c'est un personnage légendaire. Les premiers livres de Tite-Live au
demeurant fort agréables à lire, sont un récit mythique destiné à rattacher
aux Troyens les origines de Rome et à en faire autre chose que le petit
peuple de paysans qu'ils étaient au départ.
Le projet de Tite-Live est aussi de proposer des modèles moraux et la liste
des héroïnes
citées plus haut en font partie. C'est ce qui explique qu'il a joué un rôle
aussi central dans l'éducation des chères têtes blondes quand elles
apprenaient le latin et cela jusque vers les années 70 quand on a tordu le
cou à une étude sérieuse du latin dès la 6e.
A part cela je ne lui en veux pas tu tout car il est littérairement très
agréable à lire. Et puis on lui doit quand même pas mal de choses sur ce que
l'on sait de Rome. Plus on se rapproche de l'époque où écrivait TIte-Live et
plus l'histoire fait place à la légende. Ceci dit comme historien je préfère
Thucydide.

Lucrèce.
Caligula
2004-03-06 15:53:24 UTC
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Post by Camille
Excellente synthèse, à condition de comprendre "héroïne positive" sous le
terme "héroïne".
Oui. Je parlais bien des héroïnes romaines de la fable ou de
l'histoire moralisée.
Post by Camille
Car les héroïnes négatives ou scabreuses, voire monstrueuses, ne manquent
Agrippine, Messaline, les dames d'Ephèse, etc...
Elles n'étaient pas si monstrueuses que cela. Elles se libéraient, en
fait. Un Ovide qui écrit son Art d'aimer nous fait partager un monde
où la femme devient la partenaire de l'homme. Certes l'artiste prend
soin de dire que son Art d'aimer s'adresse aux autres femmes qu'aux
matrones mais tout le monde sait qu' Ovide n'en pense pas un mot.

La famille d'Auguste avec sa fille et sa petite fille complètement
libérées et punies d' exil pour outrage aux moeurs, comme
officiellement Ovide, montre au contraire que l'Empire va instaurer un
puritanisme sexuellement répressif et, ensuite, le christianisme
décrétée religion d'état viendra en remettre une deuxième couche. Au
point que les femmes idéales des Romains de la fin de l'Empire Romain
sont ces grandes dames richissimes qui refusent de faire l'amour même
avec leur mari et donnent tous leurs biens aux miséreux et surtout à
l'Eglise. En effet nombre d'Eglises et de palais pontificaux sont le
dernier avatar des domus des derniers aristocrates romains.

Les femmes romaines qui furent les plus libres, à mon avis, sont les
grandes matrones de la fin de la République. Elles appartenaient à
l'oligarchie, naissaient, vivaient et mouraient dans le luxe, se
mariaient et divorçaient plusieurs fois, apprenaient la littérature
faisaient du sport, comme la fameuse Sempronia dans la conjuration de
Catilina ou la somptueuse Clodia... Honnie et salie par Cicéron,
adorée et sublimée par Catulle.

Ce sont d'odieuses criminelles parce qu' elles jouent de la guitare,
chantent, apprennent le grec et le latin ! "litteris Graecis Latinis
docta, psallere et saltare elegantius quam necesse est probae, multa
alia quae instrumenta luxuriae sunt." écrit Salluste sans broncher.

Quant aux femmes julio-claudiennes, les Julies, fille et petite fille
d'Auguste, Agrippine soeur de Caligula et mère de Néron, Messaline la
jeune femme du bon vieux Claude ce sont des femmes qui sont au
pouvoir, filles, épouses et/ou mères d'empereurs il est normal
qu'elles aient leur mot à dire dans l'histoire de l'empire dès lors
que celui-ci devint une affaire de famille. Ensuite les moralistes
grognons ont fait le reste.
--
Caligula

Et fora conveniunt ( quis credere possit ?) amori.
[Ovide]
Camille
2004-03-06 21:00:55 UTC
Permalink
Post by Caligula
Au
point que les femmes idéales des Romains de la fin de l'Empire Romain
sont ces grandes dames richissimes qui refusent de faire l'amour même
avec leur mari et donnent tous leurs biens aux miséreux et surtout à
l'Eglise.
Dans l'intéressante "Histoire des femmes" de Duby & Perrot, on apprend que
les lois fiscales et patrimoniales d'Auguste conduisaient les matrones
romaines à faire 3 gosses, pas un de plus, pas un de moins.
Compte tenu de l'âge précoce des mariages, ce quota était en général atteint
bien avant 25 ans !
Arrivées à cet âge, les femmes se livraient alors tout simplement à
l'abstinence, seule méthode de contraception vraiment efficace...
Les messieurs se tournaient alors vers les esclaves et les affranchies,
parfois choisies et offertes par Bobonne elle-même.
:-)
___
Camille

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